Torna !
Le nouvel opus de
Tempi fà est là.
Il aura fallu attendre deux petites années pour voir le second volume arriver avec son cortège de nouveaux thèmes puisés au plus profond de la culture populaire rurale de l’île.
Nombreux étaient ceux qui n’avaient pu être intégrés au premier volume parce que les enquêtes étaient en cours, nombreux aussi sont ceux qui furent signalés à l’auteur depuis la parution du premier tome. La mer, la nature, la culture, l’alimentation, l’élevage, les rites sont autant de domaines pour lesquels le travail de collecte et de mise en perspective a été repris et approfondi. Le travail sur la culture maraîchère et l’arboriculture n’avait pu être esquissé, du fait de son imposante taille, malgré son indiscutable importance dans une société où l’autosuffisance alimentaire était plus sûrement qu’ailleurs un gage de survie. La multiplication des liens avec le continent et l’intégration dans des ensembles économiques plus larges ont peu à peu eu raison de ce mode de subsistance, laissant dans nos paysages des traces encore largement visibles et dans les esprits des saveurs, des façons, des histoires qui restent encore fortement marquées.
Smintichera
C’est avec la même foi qui l’avait animé pour la confection du premier volume que l’auteur a arpenté les territoires, rencontré, questionné, observé, écouté, fait refaire les gestes, reconstitué les objets, etc. Il a collectionné les thèmes et les a organisés comme il l’avait fait pour le premier tome en prenant un soin particulier à noter comment ces savoirs se transmettent en langue corse (vocabulaire, dénominations, expressions, dictons, etc.). Il a aussi fait confiance à une cohorte d’informateurs, nouveaux pour la plupart, qui alimentaient les discussions de leurs souvenirs et de leurs connaissances.
Ces savoir-faire, ils en avaient été les témoins ou les avaient eux-mêmes mis en pratique. Ils désiraient les faire connaître, les transmettre, aider à les transmettre. Et c’est bien cela qu’il fallait comprendre à la lecture du premier tome. L’urgence, certes, d’une connaissance et d’une transmission mises à mal par les rapides changements sociaux, mais aussi et surtout ils y voyaient l’opportunité d’un passage de témoin. Voilà un auteur, une œuvre, qui permettait de croire à la possibilité d’une continuité des savoirs polis de façon unique en cette île par les siècles, et qu’ils avaient reçus de leurs anciens.
Spartera
En effet, au cœur de ce projet éditorial imposant se trouve une notion fondamentale qui anime tous ceux qui y ont participé : celle du partage. Et c’est bien de cela qu’il s’agit : derrière l’apparence d’une évocation qui figerait les instants et les savoirs dans ces pages, se trouve le geste essentiel, fondamental dans une société telle que la nôtre, celui du don et de la transmission qui signale une vivacité culturelle toujours bien réelle. Un intérêt pour l’autre bien réel. Qui dinò a pratica vinceria a grammatica…
C’est le rôle d’un éditeur que de se mettre au service de cette transmission, celle de l’auteur que de la peaufiner, au lecteur enfin de l’apprécier à sa juste valeur : comme la perpétuation d’un lien unique et fondamental, unissant les hommes entre eux et entre les générations. Comme une méthode pour un vivre ensemble : connaître et se connaître, pour apprécier et s’apprécier.
Cuntinuità
Quant au devenir de la collection de connaissances recueillie en ces pages, ainsi que nous l’évoquions dans le premier tome, l’espoir est qu’elle suscite quelques vocations supplémentaires dans la recherche – car chacun des thèmes mériterait, c’est certain, un traitement particulier, anthropologique, ethnographique, historique, littéraire... – et pourquoi pas, un renouveau de pratiques liées en grande partie au monde rural, qui signifierait une reviviscence de celui-ci. Et le spectre de la clôture des savoirs, de leur remise au musée, ne se poserait certainement plus… du moins en ces termes.
Que le lecteur pour sa part, prenne du plaisir à parcourir ces pages et qu’il n’oublie pas, à son tour, de transmettre celui-ci à ses proches… voilà le vœu le plus cher de ceux qui ont participé à l’aventure.