Corse, paradis de l'escalade
La Corse est certainement le paradis du Canyoning, mais aussi et encore plus celui de l'Escalade, tant l'île propose de variétés de roches et de formes de voies dans un contexte original : utilisation de cette érosion endémique qui forme les "tavoni" et touche toutes les roches du pays pour parcourir des dalles autrement infaisables et faire croire qu'on est sur du calcaire alors que l'on parcoure une voie granitique, climat bienveillant permettant de grimper en toutes saisons en choisissant soigneusement altitude et orientation, sous-fréquentation de quasiment tous les sites, y compris les plus connus (Bavedda), en opposition avec la pratique de l'escalade sur le continent.
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Avertissement de sécurité
Ainsi que pour les rubriques Canyoning et Ravinisme, cet article sur l'escalade en Corse ne saurait commencer sans un préambule concernant la sécurité pour cette activité et un avertissement concernant ma pratique personnelle, contre-exemple pour quelques standards de l'activité. La principale (et quasi-seule) entorse aux règles de sécurité de la pratique que je m'autorise en Corse est le non-port du casque pour toutes les voies d'école ou type montagne que j'ai réalisées sur l'île : c'est un choix personnel, limité à l'île (j'ai toujours porté le casque sur le continent dans mes nombreuses aventures alpines et pyrénéennes !) et à des voies granitiques sans personne au-dessus (c'est facile sur l'île !). Néanmoins, cela suppose une certaine attention aux pierres que l'on est susceptible de projeter sur son second : nous n'avons jamais vu de chute de pierres spontanée en Corse ! L'autre risque partiellement traité par le casque est bien entendu celui de la chute.
Il est utile de rappeler les conseils de base habituels et, pour certains, spécifiques à l'île :
- Prendre la météo et s'assurer qu'elle est correcte : en Corse, comme ailleurs, l'orage ou la tempête ne sont pas rares et se faire prendre dans une voie engagée est une catastrophe (Cf. accident d'une cordée allemande en face NW de la Paglia Orba)
- Prendre un matériel approprié : casque (contrairement à ma propre pratique en Corse, même si c'est bien une région où l'on peut s'en passer presque partout - rocher très sûr !), baudrier, cordes de longueurs appropriées, huit et matériel de rappel, dégaines, sangles, mousquetons, coinceurs/friends (très utiles en Corse), sac, éventuellement kit d'équipement, vivres de course, gourde, pharmacie, couteau, couverture de survie, éventuellement matériel de bivouac (frontale, ...)
- Ne pas oublier les approches et retours : carte IGN, boussole, altimètre, ...
- Assurer son autonomie : l'escalade en Corse se déroule souvent loin de tout et dans un terrain où chacun doit pouvoir s'en sortir par lui-même. Même si l'hélicoptère commence à être utilisé dans l'île, ne pas trop compter dessus en dehors des coins fréquentés !
- Maîtriser la pose des coinceurs et friends (surtout), le pitonnage et la pose de spits (un peu) : sauf en certains endroits précis, la plupart des voies en Corse sont peu parcourues et disposent d'un équipement aléatoire, donc sangles, coinceurs et friends obligatoires au minimum avec pitons et marteau au cas où !
- Inutile d'être un spécialiste de l'escalade artificielle : il n'y en a pas en Corse (contre-exemple connu : Les Copains d'Abord à la Punta Lunarda avec Rurps, Bongs, Crochets et Friends) sauf sur quelques pas très courts !
Enfin, ne pas oublier la partie relative à la préservation de l'environnement et les égards obligatoires envers les propriétaires ou autres utilisateurs des terrains, chemins d'accès et falaises que vous parcourez.
Petite histoire de l'escalade et de l'alpinisme en Corse
Curieusement, l'histoire de l'alpinisme corse est relativement récente, puisque datant du début du XXème siècle, c'est à dire démarrant bien plus tard que dans les massifs homologues alpins et pyrénéens du continent.
Juste pour vous en donner une petite idée, voici une petite synthèse chronologique en rappelant les principales phases :
- Avant 1899, de rares visites de voyageurs anglais, français et allemands, dont certains vont parcourir les plus hauts sommets de l'île (beaucoup ayant déjà été ouverts par des bergers ou chasseurs locaux) : Monte Cintu, Monte Ritondu, Paglia Orba, Monte Renoso, ...
- Arrivée en 1899 du docteur Felix Von Cube pour sa première visite en Corse : il y reviendra ensuite quasiment chaque année jusqu'à sa mort en 1964 ! Il continue la conquête des sommets les plus difficiles (Punta Minuta, Capu Larghja, ...) et, surtout, l'exploration quasi-systématique des grands massifs corses (n'incluant pas Bavedda !) dont il produisit descriptions minutieuses et cartes détaillées
- Entre 1900 et 1960, seules quelques réussites alpines épisodiques sont à noter :
- l'ouverture audacieuse, presqu'hivernale, de la voie Finch en face Est de la Paglia Orba en avril 1909 par le Norvégien Bryn et les Anglais Maxwell et George Finch
- une première exploration des aiguilles de Bavedda par une équipe du Club Alpin Belge en 1927 avec les premières escalades sportives (Punta di l'Acellu : voie de l'Etrier)
- des ouvertures alpines classiques d'arêtes et d'éperons sur les grands sommets avec des noms d'alpinistes connus par ailleurs et venus par hasard sur l'île (Tuckett, Devouassoud, Lejosne, Ravanel, Couttet, Ghiglione, Schmidbauer, Marmillod, Diemberger, ...)
- Dans les années 1960, un groupe d'alpinistes allemands emmené par Werner Krah va faire entrer l'escalade corse dans l'ère du 6ème degré avec des réalisations marquantes entre 1960 et 1964 dans le massif du Cintu (voie Karlsruhe), à la Paglia Orba (voie du Nid d'Aigle) et à Bavedda (Campanile Sainte-Lucie et voie de la Gargouille à Punta di u Pargolu)
- Entre 1965 et 1980, à nouveau une période marquée par de nombreuses visites ponctuelles d'alpinistes connus permettant des premières occasionnelles (Demenge, Romanetti, Audibert, Jaccoux, Carpentier, Bourley, Gorgeon, Bettembourg, Thivierge, Amy, ...)
- Mais c'est vers la fin des années 1970 que l'on voit s'entreprendre une exploration plus systématique des sites d'escalade corse avec :
- le groupe Michel Charles, Pierre Couval et Bernard Vaucher à qui l'on doit les premières entreprises remarquables dans le massif du Capu d'Ortu et ailleurs, avec un esprit écologique et une démarche pleine de discrétion
- Henri Agresti, professeur à l'ENSA, qui, avec sa rencontre avec le guide local Ghjuvan-Paulu Quilici et aidé par des stagiaires de l'ENSA, va faire une moisson de premières sur toute la Corse et éditer en 1986 une magnifique synthèse de tout ce qui avait été grimpé dans les massifs corses (La Corse, les 100 plus belles)
- d'autres grimpeurs corses (Pierre Pietri, Jean-Toussaint Casanova, Pierre Griscelli, ...) qui ont pris le relais au milieu des années 1980 et ont poursuivi l'action d'équipement déjà commencé par Quilici (à Bavedda !) sur d'autre lieux
- Ces dernières années ont vu exploser l'escalade libre et de haute difficulté en Corse à partir du début des années 1990 : les frères Petit ont lancé le 8ème degré à Bavedda (Octogenèse et Delicatessen), des grimpeurs audacieux ont ouvert des voies exceptionnelles d'adhérence aux Teghje Liscie et en fissures à Punta Lunarda, dans du 7ème degré engagé et des ouvertures remarquables dans le même niveau de difficulté ont été réalisées par des membres du PGHM de Corte (Martial Lacroix)
- Depuis le début des années 2000, une nouvelle génération a rejoint les grimpeurs précédents pour des explorations encore plus systématiques d'ouvertures de voies, en particulier à Bavedda (Fenouil, Allemand, Clarac, ...) et l'histoire n'est pas finie !
Une histoire récente, donc, riche de la participation de beaucoup, mais qui a fait de la Corse un extraordinaire centre d'escalade et de via ferrata, avec un potentiel incroyable d'ouvertures, et un niveau de difficulté qui ne fait pas déparer cette région par rapport aux autres centres d'alpinisme et d'escalade continentaux, la glace et la neige en moins (et encore, cf. Cintu et Trimbulacciu !)
Caractéristiques des
escalades corses
On retrouve les mêmes caractéristiques que celles données pour les canyons corses, à savoir des éléments profondément dictés par la géologie et la climatologie locale, très spécifiques à cette île et donnant lieu à une diversité surprenante :
- Une géologie dominée par des granites (80 % de la surface environ) au NW et au Sud et des schistes à l'Est et dans le Cap Corse, avec toutes ces roches profondément marquées par les sculptures des tavoni (ou tafoni : trous d' érosion en nid d'abeille provoqués par le vent et le sel). Regardez la carte géologique plus haut à gauche et vous pourrez vous situer dans les quatre principales zones où vous aurez l'intention de grimper, essentiellement la rouge (cristalline) et la bleue (schisteuse). Attention tout de même à certains récifs sporadiques au milieu d'une zone (calcaires de Sari à Sulinzara et de Punta Calcina à Conca, par exemple)
- Cette géologie a créé sur le versant occidental des vallées profondément creusées, des dénivellations fortes et des pentes raides beaucoup plus marquées que sur le versant oriental : cela vous donne une idée des temps d'approche et des ampleurs de parois que vous vous serez donnés comme objectifs
- Des paysages spectaculaires et grandioses, surtout en terrain granitique, avec un foisonnement d'aiguilles, éperons, ravins, couloirs, cheminées, fissures, constituant parfois des versants terriblement complexes (Lombarducciu en Restonica, A Taula à Bavedda, ...) et des approches pouvant être éprouvantes, aussi bien par le dénivelé jusqu'en bas de la paroi (Poliscellu et Purcaraccia à Bavedda) que par la progression dans le maquis avec plus ou moins de sentes ou de cairns (Capu d'Ortu et Signore à Porto, nombreuses voies à Bavedda, ...)
- Un climat très irrégulier, mais permettant une pratique tout au long de l'année :
- l'été, très chaud et sec, est marqué par l'étiage des torrents et des faces Est et Sud très chaudes, mais on peut grimper en face Nord et surtout Ouest le matin
- l'automne est la saison la plus arrosée (attenton aux crues dévastatrices) et peu favorable aux approches longues, mais la meilleure pour la température
- l'hiver, avec la neige et le froid qui arivent en gros fin novembre, est une saison qui permet une pratique régulière à basse altitude (en dessous de 600/800m). Par contre, attendez-vous à opérer dans de vraies conditions hivernales sur les hauts sommets (Cintu, Punta Minuta, Paglia Orba : cascades de glace au Cintu et dans le cirque de Trimbulacciu)
- le printemps est lui sujet à des averses très irrégulières, mais est très favorable à la pratique à toutes altitudes (attention aux tempêtes impromptues en avril/mai)
- Des accès qui n'ont rien à voir avec ceux du continent : pas de panneaux, pas de balises, pas de peinture, pas de noms en bas des voies. Et bien sûr, pour couronner le tout, des sentiers en voie de disparition ou aléatoires, des traces à vous faire avaler votre casque, le tout dans cet environnement végétal inépuisable que constitue le maquis (Cf. Progression en maquis corse) ! Dorénavant, les topos, qui étaient inexistants jusqu'en 1989, se sont multipliés et on trouve suffisamment d'informations pour avoir son compte de voies sur beaucoup de sites dans l'île (Cf. liste des topos sur la droite de cette page).
L'expérience personnelle
Avant d'avoir débarqué sur l'île, on ne peut imaginer un tel paradis pour le grimpeur ! On est entouré d'objets grimpables à perte de vue presque partout où l'on se trouve : la Corse est une montagne JUSQU'A la mer !
En 1972, j'étais marin et avait réalisé un tour de Corse en voilier de port en port : c'est à peine si j'avais remarqué qu'il y avait des rochers. Onze années après, j'étais devenu grimpeur et alpiniste et pratiquais assidûment le bloc, la falaise et l'alpinisme, lorsque je suis revenu sur l'île : pour moi, tout avait changé, je ne voyais plus la mer et passais mon temps à imaginer des "voies" (pas les mêmes que Jeanne d'Arc) à tout détour de chemin. En outre, au sortir de six années d'Alpes et Pyrénées où nous commencions à trouver assommant de faire la queue en bas des voies, le coin nous paraissait idillyque : pas un chat pour nous importuner !
Et pourtant, j'ai finalement peu grimpé dans les massifs corses, faute de partenaires de cordée dans les premières années lorsque nous nous trimballions nos enfants en bas âge. J'ai fait pas mal de voies d'initiation avec mon fils à partir de ses cinq ans et ce jusqu'à ce qu'il puisse devenir un vrai partenaire de cordée, mais, compte tenu que son niveau a très largement et très vite dépassé le mien ensuite, nous n'avons finalement que peu grimpé sérieusement ensemble en Corse.
En fin de compte, les sites d'escalade que nous avons expérimentés sont en nombre relativement réduits :
- Beaucoup de sites écoles d'escalade équipés où il était plus aisé de procéder à l'apprentissage des enfants : Punta Calcina, Monte Santu, Caporalinu, Pietralba, le site-école du col de Bavedda, Zicavu, ...
- Tout un ensemble de voies AD repérés (souvent au hasard) dans des massifs traversés au cours de randonnées : arête de Carrozzu (superbe), falaise du lac de l'Uspidale, les sites de Porto (Château-Fort, arête du Lion, Châtaigneraie, ...), Rossolinu en vallée du Tavignanu et des voies sans nom à Bavedda (Promontoire, Crête des Terrasses, ...)
- Nos vrais escalades : Bonifatu (Saetta sur Spasimata), Ascu (Colonnes de Marcia, Capu di Marcia, Punta Stranciacone, ...), Bavedda (Tafunata, Punta Aracale, Punta Ciaccianu, Punta Caletta, Calanca Murata, ...), des sites de blocs (Punta Capineru, ...)
Malgré cette expérience restreinte en escalades consommées sur l'île, les divers parcours, reconnaissances, randonnées, canyons, etc... que nous avons réalisés en ayant toujours l'oeil sur des possibilités de varappe et la consultation des topos que nous avons régulièrement achetés au fur et à mesure qu'ils paraissaient, font que nous en savons beaucoup plus que ce que nous avons réellement réalisé.
Aussi la rubrique Escalade de ce site n'est-elle pas limitée à notre simple expérience propre, mais, au contraire, a pour ambition de donner un aperçu relativement exhaustif des sites et voies recensés sur l'île (à peu près à jour actuellement pour 2009...), avec les informations permettant à un grimpeur fraîchement débarqué de s'y retrouver.
Sites et voies
d'escalade corses
La suite de l'article a pour objet une présentation exhaustive faisant le tour des sites recensés en Corse par les topos d'escalade connus, selon les caractéristiques et choix suivants :
- Classement en 3 grandes parties : pour essayer de rendre moins lourde cette liste de sites et secteurs, la présentation est catégorisée en trois grandes parties correspondant grosso modo au Nord, au Centre et au Sud, facilitant ainsi un peu les recherches et lectures sur trois catégories du site (via menu gauche ou méga-menu horizontal)
- Les massifs : dans chacune des grandes parties précédentes, la présentation est découpée par région/massif de manière à faciliter la recherche d'un grimpeur en un point particulier de l'île où il se trouve
- Les sites : par région est indiqué l'ensemble (?) des sites susceptibles d'offrir des voies d'escalade recensées
- Les secteurs sur un site : en général, les sites suffisamment importants ont été découpés en secteurs pour faciliter la recherche sur la carte et le terrain
- Les sommets : pour un secteur donné, sont indiqués les principaux objectifs d'escalade, les principales informations sur leurs accès et les voies significatives associées
- Les voies : seules quelques voies significatives sont données avec, si connus, le nom, le nombre de longueurs, la difficulté globale (PD, AD, D, TD, ED, ABO avec + et -) et la difficulté maximale obligatoire en cotation française
Avec l'espoir que cette accumulation d'informations sur la "Grimpe" en Corse ne soit pas trop entachée d'erreurs et que sa disposition et son illustration avec les photos que nous avons pu réaliser nous-mêmes au cours de ces vingt-cinq dernières années puissent être profitables aux futurs alpinistes frais débarqués et découvrant tous ces "Objets Grimpables Identifiés" de l'île.