Principalement trois grandes raisons au développement du maquis sur l'île :
- La désertification ruro-montagnarde
- L'entretien aléatoire des sentiers subsistants
- Les conditions météorologiques récentes
Avec une illustration des difficultés engendrées :
1. Désertification ruro-montagnarde :
Fin de l’agro-pastoral
Ainsi, plus que partout ailleurs, on peut constater la tragique disparition des activités agro-pastorales d’altitude : disparition des derniers troupeaux d’alpage (on voyait encore des vaches à Maghine et au Saltare en Falasorma dans les années 80, mais le dernier éleveur de Barghjana est mort depuis une dizaine d’années), abandon des villages d’altitude (désolation des hameaux de Castagniccia, cœur de la richesse corse au début du siècle dernier), ruines de bergeries ou de hameaux en Falasorma, villages fantômes de Castiglione et Popalasca dans le massif de Popalasca, vallées désertes de la région du Liamone (les vieux habitants de Chiusa s’accrochant désespérément à leur village).
En Corse, l’exode rurale et montagnarde s’est accomplie comme partout ailleurs depuis les soixante dernières années. Cette désertification est pourtant beaucoup plus spectaculaire ici qu’ailleurs, pour la bonne raison que la montagne couvre quasiment l’ensemble de la surface corse et que, contrairement aux massifs alpins dont la Corse a pourtant toutes les caractéristiques aux glaciers près (de nos jours, car elle en a bénéficié antérieurement : les lacs corses sont tous d’origine glaciaire), la Corse n’a pas été touchée par l’or blanc comme activité de revitalisation de ces régions. Des quatre stations de ski insulaires, deux ont fermés et les deux autres ont du mal à survivre.
Nota : depuis l'hiver 2009, seules deux stations de ski fonctionnaient encore en Corse. Ce sont celles de Ghisoni-Capanelle et de Bastelica-Val d'Ese qui ont profité des hivers 2008 à 2013 bien enneigés. La station de ski du Haut Asco était fermée depuis 1991, à la suite de dégats des eaux importants, et a rouvert en 2015, portant à trois le nombre actuel des stations insulaires ! Celle de Verghju a fermé en 2009 pour raisons financières car c'était la seule station entièrement privée !
Tout cela a conduit à l’abandon du parcours des magnifiques sentiers utilisés traditionnellement pour les activités agro-pastorales et ceux-ci ont été laissés à la végétation environnante (Cf. Encart Fin de l’agro-pastoral). Il suffit pourtant d’ouvrir les yeux pour admirer les restes de ces ouvrages dont l’ampleur de certains témoignent de la place prépondérante de l’élevage et de l’agriculture en montagne corse : sentier de transhumance Falasorma-Niolu de Capronale, sentier-levada de Bastelica (et oui, comme à Madère, autre région de canyoning !), restes des sentiers de bardage du Purcaraccia,des Ferriate et des Mela/Carciara, sentier (religieux ?) du couvent de Santa Maria à Monte Estremu, nombreuses traces de sentiers et de bergeries le long des grands ravins du Falasorma, … Tous ces vestiges sont accompagnés des ruines des hameaux fantômes, friches industrielles abandonnées, bergeries inutilisées, etc... tous patrimoines vers lesquels ils menaients auparavant.
2. Entretien et parcours aléatoires des sentiers subsistants :
Sentiers abandonnés ou non entretenus
Pour exemples d’actualité, l’ensemble des sentiers du Falasorma à l’exception de celui de Caprunale, le sentier de l’Arinella depuis Chisa impraticable à partir de 800m d’altitude, sa suite après la confluence avec le ruisseau de Lattone constituant le chemin de retour du canyon du Tignoso finalement en un peu meilleur état (rude épreuve d’orientation tout de même), beaucoup de sentiers de l’arrière-région Porto/Ota en remontant vers Evisa complètement abandonnés avec des traces soumettant les nerfs à rude épreuve dans un maquis virulent et paradis du porcin semi-sauvage, beaucoup de sentiers du San Petrone en Castagniccia, sauf la voie normale venant du col du Pratu, les sentiers du Haut Cavu proches de chez moi avec de magnifiques chemins patrimoniaux sous la végétation...
Les sentiers de montagne corse encore en état, marqués ou non sur les cartes IGN, sont soumis au caractère aléatoire de leur entretien et de leur parcours. Les seules activités les utilisant dorénavant, après l’abandon des parcours agro-pastoraux, restent la chasse saisonnière, encore intense dans certains hameaux même peu habités, et les quelques activités touristiques montagnardes (randonnée, escalade, canyoning). Malheureusement, la chasse est tout de même en perte de vitesse faute d’habitants permanents pour la pratiquer et le tourisme montagnard corse ne dépasse pas la fréquentation forcenée (et saturée !) du GR 20, comme s’il n’y avait que ce seul sentier de praticable en montagne corse. Tout cela ne concoure pas à un nettoyage constant des sentiers corses et vous pouvez trouver, sur le même parcours, d’une année à l’autre, des conditions totalement différentes allant du sentier fraîchement démaquisé (chasse ou concertation locale) au parcours impraticable ou à la disparition pure et simple de toute trace. Les cartes IGN ne peuvent absolument pas vous donner ces informations et tout sentier corse indiqué sur une carte doit être traité avec précaution, son existence n’étant pas avérée tant que l’on ne l’a pas emprunté.
Les sentiers en montagne corse peuvent aussi avoir été marqués ou détruits par les gros incendies que l'on a pu voir arriver depuis les années 1980 sur l'île, même s'il y en a de moins en moins ! Le feu détruit toute la végétation sur la surface incendiée, y compris celle environnant les chemins et, souvent, seule la trace au sol subsiste. Le problème ensuite est lié à la repousse de la nouvelle végétation qui vient complètement envelopper et entraver les traces, même les plus historiques...
On voit ainsi souvent certaines vallées incendiées reprise par la repousse d'une jeune pinède ensuite. C'est une catastrophe pour les anciens chemins qui se voient obstruer par des jeunes pins espacés d'une vingtaine de centimètres et à travers lesquels la remise en oeuvre de l'ancienne trace est un calvaire...
3. Les conditions météorologiques récentes :
Branches et troncs enchevêtrés sur le sentier Capeddu-Sari
Certains initiés, parmi mes lecteurs, ont su me faire remarquer que les conditions météotologiques antérieures (de la veille à un an avant) pouvaient avoir eu des impacts fondamentaux sur l'état du maquis et des sentiers qui le pénétraient :
• Les pluies récentes ou en cours peuvent avoir eu suffisamment de poids pour courber (au moins provisoirement) branchages et arbustes et contribuer à enchevêtrer les composants du maquis et leur emprise sur les sentiers. Pendant ou juste après les chutes de pluies, une randonnée en maquis se complique du fait d'avoir à supporter les chutes de gouttes ou les ruissellements, particulièrement quand la hauteur du maquis est de l'ordre de 2 à 3 m. En outre, les fortes pluies et pluies d'orage déménagent des multitudes de blocs rocheux qui font obstacles dans le lit des sentiers et peuvent fortement entraver la marche...
• La neige peut avoir encore plus d'importance, si l'hiver corse précédent a été rigoureux, car son poids est encore plus important que celui de l'eau et sa stagnation plus ou moins longue sur la végétation peut complètement "pourrifier" pour longtemps les sentiers qu'elle a envahis. Des hivers comme ceux des années 2005, 2009 et 2010 en Corse, avec beaucoup de chutes de neige jusqu'à très basse altitude, peuvent donc laisser présager un printemps et un été difficiles pour les activités de nature dans l'île. Avec peu d'expérience de la pratique du maquis sous la neige même, je ne peux en parler précisément, mais je puis imaginer les difficultés complémentaires qui en découlent.
• Les vents peuvent aussi se mettre de la partie, en particulier durant les saisons d'hiver. Les vents en Corse sont souvent tempétueux et peuvent abattre soudainement des branches et surtout des troncs en travers des chemins jusqu'à les rendre impraticables. Il arrive souvent que certaines tempêtes dans des lieux non protégés provoquent enchevêtrement de bois au sol sur les sentiers : soit obligation de ramper sous les bois abattus pour passer, soit utilisation des outils habituels en ces circonstances (pinatu, scie, tronçonneuses)...
Le problème est que ces obstacles peuvent rester permanents pendant plusieurs années avant qu'ils ne soient supprimés par une operata, ce qui suppose un sentier entretenu !
Illustration des difficultés engendrées
Les problèmes décrits ci-dessus engendrent depuis une quarantaine d'années de plus en plus de difficultés à prévoir l'état d'un sentier dans le maquis, lorsqu'il n'est plus utilisé couramment (activités agro-pastorales, chasse/pêche ou randonnée courante) et ceci non seulement à moyen et long terme (disparition totale), mais aussi d'une année sur l'autre. Un sentier pratiqué sans problème la saison précédente peut, la saison suivante, s'avérer un parcours du combattant épuisant et compliquer n'importe quelle approche déjà connue et pratiquée jusqu'à la transformer dans certains cas en impasse. D'où beaucoup d'incidents pour les pratiquants en Corse de l'escalade, du canyoning et de la randonnée.
Voici quelques exemple rapportés par des pratiquants du canyoning en Corse, lors de leurs explorations d'approche aller et retour pour l'ouverture de nouveaux canyons dans l'île (Copyright Corsecanyon: corsecanyon.over-blog.com/), en novembre 2004 : cet itinéraire se déroule en plein Cap Corse, dans la partie montagneuse à l'altitude moyenne la plus faible de Corse.
C'est à ces altitudes que le maquis corse prend toute sa dimension !
Si tu passes après une tempête dans un endroit bien arboré ce sont l'enchevêtrement d'arbres tombés qui te font rebrousser chemin
Oui, vous avez raison !
En relisant cette page, je me rends compte que je n'ai pas assez insisté sur l'importance des coups de vent en relation avec l'état des sentiers...
Je vais essayer de mettre à jour cette page en fonction de ce point !
Merci de votre retour...