Après les escalades du Cirque de la Solitude et du Capu Tafonatu, le GR20 vous transporte dans une région plus bucolique !
La région des lacs commence avec le célèbre lac de Nino après le col de Verghio puis cotoie ceux de la Restonica et du Rotondo, avant de laisser place à des paysages plus classiques jusqu'à Vizzavona...
Dimanche 18
À l'hôtel du col de Vergio, il y a du monde attablé. Le bar-restaurant n'a pas l'air victime de la publicité douteuse faite à l'établissement par le film Les Randonneurs... Je suis venu ici il y a quelques mois et je m'inquiète des changements intervenus au pays depuis. On m'explique qu'on n'a pas sorti la veille les pétoires, dont les coups de feu saluent d'habitude la promenade annuelle de la Vierge dans les rues. Au village, depuis l'assassinat du préfet, les armes se font plus discrètes…
Deux cafés et quelques enjambées plus loin, Nino fait enfin son entrée en scène ; j'ai envie d'applaudir ce lac et ses pelouses, si reposants après tant d'étapes de caillasse. Les chevaux ont pris la place des mouflons de la veille ; ils ne paraissent guère mieux apprivoisés.
Je quitte d'un pas pressé le refuge de Manganu, cherchant à rejoindre son cousin de Petra Piana avant la nuit.
Nouvelle scène de rêve avec le franchissement de la brèche de Capitello, surplombant le plus beau cirque lacustre de Corse. Plus loin, je contemple du haut de la Maniccia son seul rival, le cirque du Rotondo, baigné par les eaux sombres du lac de Bellebonne. Des vagues légères, agitées par la brise du soir, courent sur son onde noire. Je suis seul au monde…
Lundi 19
J'atteins l'Onda dans les brumes ; des rouleaux de nuages se bousculent dans la dépression d'Oreccia et laissent comme seul repère des enclos de pierres sèches, construits par des chasseurs sur les circuits migratoires des pigeons ramiers…
L'air est très frais : la ligne de partage des eaux est en Corse une suite de hautes crêtes, entrecoupées de rares cols où se donnent donc rendez-vous tous les brouillards de l'île. Seules les forêts de hêtres goûtent avec bonheur l'humidité de ces lieux déprimés…
Aussi, la rencontre du refuge est-elle un soulagement, la garantie d'une nuit sans eau et sans vent. Rassuré, j'engage sans inquiétude un long corps-à-corps contre un poêle diabolique, qui laisse échapper des fumées aussi blanches que les nuages de pluie coiffant à cet instant les pentes du Monte d'Oro…
Mardi 20
À Vizzavona, je croise des rails avant même de tomber sur le goudron. La gare du hameau accueille les traversées de la Corse en locomotive et à pied. Mais, il faut se rendre à l'évidence : certains jours, les randonneurs du GR 20 sont plus nombreux que les passagers de la ligne Corte - Bocognano.
Je pénètre dans l'hôtel des Laricci où je fais la connaissance de Maurice, le propriétaire des lieux. Par amour des montagnes, il vient de renoncer à sa vie ajaccienne pour reprendre ce vieil hôtel datant de l'époque bénie de Vizzavona. Il me parle d'un temps où la bourgeoisie des villes venait en villégiature à la montagne, pour fuir les chaleurs de l'été. Un temps où les touristes anglais -les mêmes que ceux de la Côte d'Azur !-, venaient se rafraîchir dans les cascades de l'Agnone.